Entretien avec Cleim Haring, un rappeur dictant ses propres codes
- Gie
- 12 mars 2017
- 7 min de lecture

C’est lors de la première soirée HRZNS organisée en dehors de Paris (dans le cadre du festival HIP OPsession à Nantes) que Jolbeats a eu le plaisir d’interviewer l’un des quatre artistes présents ce soir-là, Cleim Haring.
HRZNS c’est le rendez-vous d’artistes rap et hip-hop émergents du moment, montrant divers horizons musicaux. Ce soir-là, un plateau rassemblant Gros Mo, Prince Waly, FK et Cleim Haring. Vous pensez sûrement que Cleim Haring est une jeune pousse arrivée sur la scène rap depuis peu mais bien au contraire avec environ 10 ans d’expérience à son actif, il a été amené à collaborer avec Le 4romain (membre de groupe Rouge à Lèvres avec notamment Grems et Disiz) sur le label TrueFlav Records. D’origine lyonnaise, il faisait également partie du collectif Zéro Pointé dont certains ont formé par la suite le collectif l’Animalerie. Entretien avec un artiste qui porte sur le rap une vision mature et singulière. Cleim Haring, est-ce que tu peux te présenter, expliquer ton parcours ? J’ai un long parcours, j’ai rappé pendant 10 ans sous le nom de Libre Penseur, et ça fait un an et demi que j’ai créé Cleim Haring.
Je suis arrivé dans le rap comme beaucoup, marqué par l’âge d’or du rap français, j’en suis devenu passionné et j’ai commencé à écrire, à faire mes propres morceaux. Ensuite j’ai connu le parcours classique d’un rappeur (à l’ancienne) c'est-à-dire concerts en MJC, open mic, freestyle radio, puis des premières parties (Sefyu, Dany Dan, Black Milk, Orelsan). J’ai commencé ensuite à faire des clips, des maquettes.
J’ai fait trois ans de pause entre Libre Penseur et Cleim Haring. Ensuite tout est allé très vite. On a commencé la promo de Soledad fin 2015, janvier 2016 Soledad sortait, et aujourd'hui on en est au 3ème projet Cleim Haring (SunCold et Cerbère).
Beaucoup de projets en une année! Est-ce c’est toujours le même Cleim Haring que sur Soledad où il évolue à chaque projet ? Il a déjà évolué, Soledad c’était la continuité de Libre Penseur. C’est le projet qu’aurait pu faire Libre Penseur dans sa maturité, pour conclure sa carrière. En fait, Libre Penseur c’est un peu comme l'adolescence et Cleim Haring la période d’adulte. Cerbère, montre l’orientation que va prendre Cleim Haring dans l’avenir, donc oui j’évolue constamment.
Ton nom Cleim Haring s’inspire du graffeur Keith Haring. L’esthétique est très importante dans tes projets ?
C’est vrai, je mise beaucoup sur l’esthétique dans mes projets, autant sur le fond que sur la forme, je suis assez perfectionniste sur mes clips, mes photos, sur ce que je vais dégager et proposer à mon public, je trouve que c’est important. J’essaye que ce soit subtil, fin et que le public décode ce que je veux dire.
Quel est ton processus de création ? Tu portes une grande importance à la couleur bleu, c'est elle qui est à la base de ta création ? J’écris tout de tête, je n’écris plus sur papier. Je suis assez instinctif, impulsif, le bleu reste une couleur que j'aime mais je ne veux pas tout miser dessus, c’est plutôt comme une touche finale. Le dernier morceau de Soledad s’appelle “bleu nuit”, sur SunCold “bleu fumé” et sur Cerbère “bleu sombre”.
Pourtant, je ne veux pas porter trop d’importance à cette couleur, ce serait m’imposer trop de contraintes, m’enfermer artistiquement. Ton premier EP Soledad produit par EveryDayz, raconte la solitude sur des sonorités chaudes (Deep House, jazzy, soul, Boom-Bap). Ton deuxième EP Suncold entièrement produit par Tchicos Pablo est plus introspectif et jongle entre des sonorités chaudes et le froides.
Comment décrirais-tu Cerbère ton dernier projet également produit par Tchicos Pablo, est-ce la continuité de Suncold ? Pas vraiment, SunCold, est plus métallique sur la voix et joue sur la dualité du chaud et du froid, j’ai été très inspiré par la scène torontoise et le label OVO. Cerbère, est plus chaleureux et dynamique, avec des caisses claires et des grosses caisses. Les titres “Cœur léger” ou “Bleu sombre” ont des instru plus pêchues.
J’essaye toujours de ramener une pâte différente à mes nouveaux projets, ne jamais rester dans le même cadre. Un projet, un univers, une couleur de son. Comment est-ce que tu choisis de t’entourer pour travailler ? Quand j’ai arrêté Libre Penseur et que j’ai créé Cleim Haring, je me suis vraiment entouré de personnes proches avec qui j’avais vraiment envie de travailler, à savoir, Valentin Petit, réalisateur qui a fait mon soleil et le teaser de Soledad. Everydayz, est un ami de longue date qui m’a motivé à ne pas lâcher pendant mes années de pause et qui a fait toutes les prods de Soledad. J’avais déjà bossé avec les deux sur Libre Penseur Deep.
Mon cousin graphiste s’occupe des visuels, des typos, car j’essaye de ne rien laisser au hasard sur ma com’. Et puis les photographes, notamment Chloé Ciccolo qui est aussi une amie.
C’est l’entourage proche, je choisis juste les bonnes personnes avec qui j’ai envie de travailler et puis quand j’ai besoin d’exprimer un sentiment ou une vision que j’ai en tête pour un projet, je fais appel à eux. C’est une histoire de famille en gros ? C’est ça une histoire de famille ! On est en indépendant, sans label, sans major, sans attachée de presse, je gère tout de A à Z et chacun de mes proches apportent leur pierre à l’édifice

Est-ce que c’est plus facile d’être artiste indépendant, tu te sens plus libre ? Quand j’étais Libre Penseur, j’ai ressenti une frustration car j’avais envie de percer à tout prix, je devais signer chez Sony mais ça ne s'est pas fait. Je voulais une maison de disques pour péter et que l’impact soit beaucoup plus grand. Pour Cleim Haring, je propose quelque chose de différent, des palettes variées de son, un format non standardisé au format classique mais je fais ce que j’aime.
J’ai conscience avec la maturité que ma musique est assez pointue, assez intellectuelle et donc ne touche pas un public large. Même si “Mon soleil” a un peu tourné, mon rap est un rap de niche donc s’adresse à un public de niche. Mais je n'ai pas envie de m’enfermer là-dedans, donc après Cerbère, je vais sortir un morceau qui s’appelle “Pluie d’amour” et ce sera beaucoup plus léger.
En fait, en ce moment j'essaie d’alléger mon écriture, chose assez difficile, car quand tu fais plus simple ça devient plus dur paradoxalement. Moi j’ai envie de proposer mon propre univers, créer ma propre musique, je veux créer du Cleim Haring et pas être mis dans une case particulière. C'est une chose compliquée car en France on aime bien mettre les gens dans des cases et comparer.
Je vais toucher moins de monde, certes, mais au moins je sais que je fais mon propre truc. C’est la première fois que je vais te voir sur scène, pour tes prochaines scènes solo tu imagines déjà une ambiance, un cadre particulier ? Ce soir je suis en condition de DJ - MC alors que normalement je suis en live band. À Lyon j’ai fait des show-cases où on essaye de réarranger tous les morceaux en live. Après dans la scénographie, bien sûr j’imagine des choses, par exemple Suncold j’aurais adoré avoir une pierre immense sur scène et sur Cerbère des lumières très métalliques. C’est des choses dont je rêve mais je sais qu’il me faut encore du temps pour trouver une vraie scénographie, il faut être installé ! Mais ce qui est sûr c’est qu'à l’avenir je me vois en live band et pas DJ set, c’est là que je prends le plus de plaisir, c’est plus vivant, c’est plus humain qu’une machine.
Te résumer seulement au rap serait un peu réducteur mais si tu devais te résumer en quelques mots, ce serait lesquels ? J’essaye de faire ma propre musique, d’apporter de l’écriture donc de la poésie, mais toujours influencé par le rap.
J’aimerais être un mélange de Julien Doré (sa poésie très efficace, sa délicatesse, sa sensualité), Kid Cudi (l'aspect avant-gardiste et chanteur), Sébastien Tellier (ce côté poésie décalée et sa richesse musicale) et Travis Scott (ce côté osé, c’est l’un des rares à utiliser et maîtriser l'auto-tune à une époque où plus personne ne voulait en entendre).
Une grosse fusion des quatre j’aimerais que ce soit ma définition ! Le contraste, la dualité sont des messages très présents dans tes textes, ça reflète ta personnalité ? Oui, on est toujours confronté entre le bien et le mal et on ne sait jamais justifier si nos actes sont bons ou mauvais. Je trouve ça intéressant dans mes textes d'avoir ce côté introspectif, de l’aborder dans le sentiment amoureux, la frustration, la colère, la solitude et apprendre à avancer avec cette adversité. Soledad c’est un homme seul qui arrive à dépasser la solitude, Suncold c’est un homme au cœur chaud mais évoluant malgré lui dans un univers froid. Cerbère c’est un homme qui se demande s’il est prêt à aller au plus profond de lui pour réveiller ses vieux démons, savoir comment les combattre. Il y a l’image de la porte des enfers et de Cerbère qui t’attend pour le jugement dernier mais aussi de sa propre introspection, se demander comment aborder ses parts d’ombres, son côté sombre et être un homme bon dans la vie. On peut dire que tu fais du rap humaniste ? Je parle de l’humain, j’essaye de l’extrapoler, de le faire comprendre au public. Je trouve ça compliqué de parler de politique aujourd’hui, tu peux t’instruire par toi-même, tu peux manifester si tu as envie de le faire, mais c’est compliqué de donner UNE vérité. Je préfère parler d’humain, d'introspection car c’est quelque chose que je connais bien, qui est plus personnel et qui touche plus directement. Tu prépares quelque chose pour 2017 ? Un album ? Des actu ? Très organisé, quand j’ai créé Soledad, j’avais déjà Suncold de terminé et quand j’ai fini Suncold, Cerbère était presque fini, j’avais toujours un projet d’avance. Mais aujourd'hui, je n'ai plus rien sous le bras, je veux publier un morceau tous les mois à partir de Mars pour me donner une dynamique de création. En mars sort “Pluie d’amour” produit par Ka-meal, un producteur polonais (qui a produit notamment Bones de Teamsesh). En avril sortira “besoin de toi” et après j’aimerais passer sur des morceaux plus dansants, plus lumineux avec des sons Deep House pour faire un clin d’œil au projet "Rouge à Lèvres". Je pense également à sortir mon premier album mais je suis encore en réflexion, sur le nom (Bleu sur bleu), la forme (live band).... Pour conclure cette interview, quel est ton morceau préféré du moment, celui qui tourne en boucle ? En ce moment j’écoute beaucoup "Pull Up Wit Ah Stick" de SAHBABII. Un jeune d’Atlanta, qui je pense va faire du bruit !
Pour suivre toute l'actualité de Cleim Haring : Site officiel
Merci à Pick Up Production, Crédit photos : David Gallard de CLACK et Chloé Ciccolo
Comments